dimanche 9 septembre 2012

Le Saint Louis Symphony, son directeur musical David Robertson et le violoniste Christian Tetzlaff ouvrent avec brio Salle Pleyel la saison parisienne 2012-2013

Paris, Salle Pleyel, vendredi 7 septembre 2012

Photo : DR

C’est avec le Saint Louis Symphony et son directeur musical David Robertson, le plus Français des chefs états-uniens de sa génération puisqu’il fut directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain à Paris de 1992 à 1999 avant d’occuper le même poste à l’Orchestre National de Lyon de 2000 à 2004, que la Salle Pleyel a ouvert la saison symphonique parisienne 2012-2013. Fondé en 1880, le SLS est l’un des « Big Ten » des Etats-Unis, et a atteint son haut niveau artistique actuel tandis que Leonard Slatkin en était le patron entre 1979 et 1996, après avoir succédé à Walter Susskind (1968-1975) et Jerzy Semkow (1975-1979). Fondée par les Français qui en firent la capitale de la Louisiane du nord, siège social d’une multinationale de sinistre réputation, Monsanto, entreprise spécialisée dans les biotechnologies végétales qui a d’ailleurs financé la tournée européenne de l’orchestre de cette fin d’été 2012, située au confluent du Missouri et du Mississipi, d’où son jumelage avec Lyon elle-même au confluent de deux fleuves, Saint Louis, qui a vu naître T. S. Eliot, Tennessee Williams, William S. Burroughs, Grace Bumbry, Joséphine Baker et Chuck Berry, est la seizième agglomération des Etats-Unis avec près de trois millions d’habitants. Son orchestre organise sa saison au Powell Hall d’où tous les concerts sont diffusés à la radio, ainsi qu’au Carnegie Hall de New York.

Elliott Carter (à droite) et Leonard Bernstein en 1970. Photo : DR

Le Saint Louis Symphony est bien de ces grands orchestres nord-américains qui ont marqué de leur empreinte les sonorités des phalanges les plus somptueuses au monde. Tous les pupitres sonnent avec une homogénéité, une richesse de timbres, une virtuosité confondante, magnifiées par un plaisir de jouer communicatif. C’est donc avec a propos que David Robertson inscrit au programme du concert de vendredi deux œuvres de compositeurs états-uniens écrites en hommage à la capitale française. Aujourd’hui âgé de plus de 103 ans, Elliott Carter est le compositeur le plus puissamment original des Etats-Unis. Mais cette originalité lui vaut d’être plus apprécié en Europe que dans son propre pays dominé par les minimalistes de tout poil qui, à ses oreilles, « ne disent rien ». Ancien élève de Nadia Boulanger et de l’Ecole normale de musique à Paris, il est en 1944 à l’Office de l’Information de Guerre. Jusqu’au débarquement de Normandie, il y est chargé des programmes en langue française pour l’Europe, ainsi que des programmes musicaux de diverses stations de radio en Angleterre, en Algérie et sur plusieurs fronts. A cette époque, il est encore sous l’empreinte du néoclassicisme hérité de Boulanger mais il commence à forger sa propre personnalité. C’est alors qu’il compose à Paris sa Holiday Overture dans laquelle il célèbre la libération de Paris et rend un festif hommage à la France à laquelle il estime devoir l’essentiel. Cette ouverture d’une dizaine de minutes commence comme du Aaron Copland puis se développe dans un amas de strates dans la ligne de Charles Ives qui fut le mentor de Carter, et se poursuit avec beaucoup de souplesse à travers des couches bigarrées se déployant librement à travers une complexité irisée d’une fluidité des textures étonnante formant un saisissant contraste avec le tour allègre et populaire du matériau thématique. La pièce se termine sur une fanfare tonitruante et joyeuse. On est loin ici du Carter rigoureux et sévère des grandes années qui s’y trouve néanmoins sous-jacent. 

George Gershwin. Photo : DR

La seconde œuvre d’un Etatsunien célébrant Paris a été le célèbre Un Américain à Paris de George Gershwin, interprété vendredi de splendide façon par la phalange de Saint Louis. Une lecture pleine de vie, de bonne humeur, de poésie, de félicité. Un véritable état de grâce. À la fin, David Robertson y est allé de son discours émotion en célébrant Paris où il vécut et travailla huit ans avec l’Ensemble Intercontemporain, allant jusqu’à déclarer que c’est à cause de Paris que les Américains sont si « émotifs », avant de conclure dans la frénésie de la fameuse ouverture de Candide de Leonard Bernstein qui a soulevé l’enthousiasme du public de Pleyel.

Christian Tetzlaff. Photo : DR

Avant cela, la première partie du programme était exclusivement allemande, répertoire que les Etats-uniens pratiquent aussi beaucoup en matière musicale, d’autant plus à Saint Louis où nombre d’émigrés allemands se sont installés au début du XXe siècle : une Ouverture tragique de Johannes Brahms généreuse, ardente, onirique et puissante, mettant merveilleusement en valeur les textures à la fois sombres et lustrées de l’orchestre d'une cohésion et d’une fusion extraordinaire allant s’épanouissant dans le Concerto pour violon et orchestre de Ludwig van Beethoven où Robertson a soutenu son soliste, Christian Tetzlaff, avec un tact et une communion de chaque instant tandis que ce dernier attestait d’une écoute et d’une capacité à se fondre dans les textures de l’orchestre et aux volontés du chef avec un naturel conquérant. A noter, une originale cadence du mouvement initial signée Tetzlaff qui y fait dialoguer le violon et deux timbales jouées avec de fines baguettes dures. Une vision enthousiasmante de cette œuvre pourtant rebattue mais dont on ne se lasse pas, surtout jouée ainsi. En bis, le violoniste allemand a offert une sarabande de Jean-Sébastien Bach. Au total, une excellente ouverture de saison symphonique parisienne dans une salle archi comble.

Bruno Serrou

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