samedi 8 mars 2014

Dans le cadre de leur résidence au Théâtre des Champs-Elysées, l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam et son directeur musical Yannick Nézet-Seguin ont célébré les instruments à cordes

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, mercredi 5 mars 2014

Yannick Nézet-Séguin. Photo : DR

Deux œuvres concertantes au programme de mardi dernier, l’une célébrant le violon avec le plus grand chant que lui ait jamais dédié un compositeur, l’autre faisant dialoguer l’alto et le violoncelle dans un long poème homérique orchestral conçu à partir d’un texte castillan fameux célébrant l’ardent soleil de la Mancha qui ouvrait les commémorations parisiennes d’un compositeur né voilà cent-cinquante ans. Deux œuvres avec instruments à cordes solistes obligés au caractère symphonique plutôt que concertos au sens propre du terme.

Orchestre Philharmonique de Rotterdam et Yannick Nézet-Séguin. Photo : DR

Les deux partitions présentées par l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam et son directeur musical Yannick Nézet-Seguin dans le cadre de leur résidence au Théâtre des Champs-Elysées sont d’égale durée et occupent à elles seules une moitié de concert. Le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 61 de Beethoven court en effet sur un peu plus de trois-quarts d’heure, à l’instar du poème symphonique Don Quichotte op. 35 de Richard Strauss.

Lisa Batiashvili. Photo : DR

C’est partition devant les yeux que Lisa Batiashvili a interprété le chef-d’œuvre Beethoven, à l’instar d’un Gidon Kremer pourtant trente-deux ans plus âgée qu’elle. Ce qui est assez surprenant considérant que le répertoire concertant pour violon et orchestre compte peu de concertos romantiques d’envergure. La violoniste géorgienne, qui vit à Paris auprès de son époux François Leleux, a intégré une cadence dans les deux mouvements extrêmes. L’on sait que Beethoven n’a pas écrit de cadences pour son concerto pour violon, mais il en existe une pour piano seul et une seconde pour piano avec timbales que le compositeur a rédigées pour sa propre transcription pour piano et orchestre de cette même partition. La seconde cadence a été intégrée hier au finale. Un passage du plus bel effet, avec timbales puis avec quatre premiers pupitres des premiers et des seconds violons. Le Larghetto central a été abordé avec une lenteur excessive, mais sans pathos, soliste et orchestre sollicitant plus densément l’onirisme de ce mouvement.  Très belles sonorités, brillantes et fruitées, jeu étincelant et sûr. Les sautés de cordes joués avec dextérité. Accompagnement onctueux de l’orchestre hollandais et de son chef canadien. A noter que la flûte était tenue par Juliette Hurel, brillante flûte solo de Rotterdam depuis une vingtaine d’années. Fort applaudie, la violoniste s’est abstenue de tout bis, préférant rester dans le souffle titanesque de Beethoven.

Floris Mijnders. Photo : DR

Autre œuvre concertante, mais qui ne le dit pas expressément, le Don Quichotte de Richard Strauss pour orchestre avec violoncelle, alto et violon solos, premier volet du diptyque Held und Welt de Richard Strauss dont la seconde partie n’est autre que Une Vie de Héros op. 40 (1897-1898) - diptyque au demeurant très peu proposé par les organisateurs de concert. L’écriture dense, virtuose et l’orchestration extraordinairement foisonnante de ce trop rare poème symphonique composé en 1897 et sous-titré « (Introduzione, Tema con Variazioni e Finale) Variations fantastiques sur un thème à caractère chevaleresque pour grand orchestre » construit autour d’un thème et de dix variations, conte en autant d’étapes les aventures du chevalier à la triste figure (personnalisé par le violoncelle solo) immortalisé par Miguel de Cervantès accompagné de son écuyer Sancho Pança (l’alto) et du fantôme de Dulcinée (violon). La lecture de Yannick Nézet-Séguin a été dans le caractère épique de l’œuvre, faisant briller son orchestre entier avec d’autant plus d’allant qu’il a choisi de mettre en avant les pupitres de cordes solistes de la phalange hollandaise, le premier violoncelliste Floris Mijnders, la première altiste, Anne Huser, et Igor Gruppman, premier violon super-soliste, tirant ainsi davantage que de coutume la partition de Richard Strauss vers la fresque symphonique. Parti-pris au demeurant judicieux.

Bruno Serrou

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire