mardi 12 mai 2015

Un Macbeth de Verdi sans fureur ni passion de Daniele Gatti et Mario Martone

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, lundi 4 mai 2015

Giuseppe Verdi (1813-1901), Macbeth. Roberto Frontali (Macbeth), Susanna Branchini (Lady Macbeth). Photo : (c) Vincent Pontet / WikiSpectacle

Premier des trois opéras dont Giuseppe Verdi tira l’intrigue de William Shakespeare, avant Otello et Falstaff qui parachèvent la création lyrique du compositeur lombard, Macbeth est l’un des ouvrages les plus délicats à distribuer, particulièrement le rôle-titre, et plus encore celui de Lady Macbeth, où les cantatrices capables de s’y mesurer ne sont pas légion. Il faut dire que Verdi a tout fait pour que les chanteurs soient avant tout des tragédiens, autant dans leur jeu que dans leur voix, favorisant avant tout le théâtre au point de ne pas hésiter à faire sauter le carcan des formes traditionnelles du bel canto, et donnant à l’épouse de Macbeth une place qu’elle n’a pas dans la tragédie de Shakespeare, en faisant le véritable moteur de l’action. Le compositeur réclame d’ailleurs une interprète « laide et monstrueuse » à la voix « âpre, étouffée, sombre » pour attiser cette œuvre saturée de fureur, de haine, de passion destructrice, de folie meurtrière.

Giuseppe Verdi (1813-1901), Macbeth. Choeur de Radio France. Photo : (c) Vincent Pontet / WikiSpectacle

Pourtant, ce que l’équipe italo-française réunie par le théâtre de l’avenue Montaigne ne suscite ni terreur ni frisson. A la tête d’un Orchestre National de France qui répond mollement à ses sollicitations et qui cumule les décalages, d’abord au sein-même des pupitres dans le prélude puis avec le plateau, mais dont les sonorités rêches et fauves conviennent à l’œuvre, Daniele Gatti, qui a choisi la version de 1865 écrite pour des représentations parisiennes au Théâtre Lyrique, rogne les angles et gomme les arêtes d’une œuvre faite de haine, de violence, de cris, de larmes et de fureur. Le chœur de Radio France, homme et femmes confondus, est en revanche à la hauteur de la diversité des emplois et missions que lui confie Verdi.

Giuseppe Verdi (1813-1901), Macbeth. RJean-François Borras (Macduff). Photo : (c) Vincent Pontet / WikiSpectacle

La mise en scène toute en noirceur de Mario Martone, qui s’était déjà vu confier Falstaff par ce même Théâtre des Champs-Elysées en juin 2008, n’est pas particulièrement inventive, se montrant trop proche du livret. Au cas où le spectateur ne comprendrait pas, le réalisateur italien illustre apparitions et évocations par d’imposantes vidéos projetées plein cadre en fond de scène, et utilise deux chevaux - l’un blanc, l’autre noir - qui, lourdement tenus par des écuyers, parcourent le décor nu de sa scénographie - la forêt de Birnam au quatrième acte est en revanche réussie -, sombrement éclairée par Pasquale Mari, l’époque de l’action étant établie par quelques accessoires et par les costumes d’Ursula Patzak. Plus cinéaste que dramaturge, Martone signe une direction d’acteur plutôt efficace. 

Giuseppe Verdi (1813-1901), Macbeth. Roberto Frontali (Macbeth). Photo : (c) Vincent Pontet / WikiSpectacle

La distribution est dominée par l’excellent Macbeth de Roberto Frontali. Le timbre du baryton italien est d’un beau métal, la diction est irréprochable, la voix est solide bien qu’elle peine à aller au bout de la soirée sans encombre, le port digne quoique judicieusement sous influence. Plus discutable est la Lady Macbeth de Susanna Branchini, incontestable tragédienne mais aux intentions endiguées par une voix manquant de vaillance, de souffle et de rusticité, mais qui se libère opportunément dans la scène du somnambulisme de l’acte IV. Issue de l’Ecole d’Art lyrique de l’Opéra de Paris, Sophie Pondjiclis campe une dame d’Honneur d’altière stature, à l’instar du jeune ténor Jean-François Borras, qui saisit par sa santé vocale et sa luminosité dans l’unique et somptueuse scène et air de Macduff (n° 13 de la partition). Andrea Mastroni impose en Banquo son timbre juvénile qui fait oublier un aigu chétif, tandis que Jérémy Duffau promet en Malcolm.

Bruno Serrou

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire