vendredi 21 août 2015

Festival Berlioz : Ouverture en fanfare sur la Route Napoléon

Festival Berlioz, Corps (Maison Napoléon), Laffrey (Prairie de la Rencontre), Grenoble (Terrasse du Musée Dauphinois), La Côte-Saint-André (Place Hector Berlioz et Halle), jeudi 20 août 2015

Statue équestre de Napoléon Ier sur la Prairie de la Rencontre à Laffrey. Photo : (c) Bruno Serrou

Pour sa 22e édition depuis son retour à La Côte-Saint-André après plusieurs années à Lyon, et pour la septième depuis l’arrivée de Bruno Messina à sa direction, le Festival Berlioz, qui se déroule jusqu’au 30 août, a commencé jeudi 20 août de façon particulièrement festive et heureuse, irriguant plusieurs sites du département de l’Isère, depuis les confins du département à la lisière des Hautes-Alpes jusqu’à la cité natale d’Hector Berlioz. Une véritable « épopée » d’une centaine de kilomètres sur la Route Napoléon…

Fifres et tambourg de l'armée de Napoléon Ier sur la Prairie de la Rencontre. Photo : (c) Bruno Serrou

Lorsque Napoléon s’échappait de l’Île d’Elbe le 26 février 2015 où la coalition anglo-prusso-austro-russe l’avait condamné à l’exil après qu’il eut abdiqué le 6 avril 1814, pour reconquérir le pouvoir à marche forcée depuis Golfe-Juan où il débarque le 1er mars 2015, Hector Berlioz avait douze ans. Son père, grand admirateur de l’Empereur, était allé au-devant de Napoléon, qui, dans sa remontée vers Paris, passa à quelques encablures de La Côte-Saint-André entre Grenoble et Lyon, et il n’y a guère à parier qu’il s’en fit l’écho auprès de son fils. « Berlioz et Napoléon ont beaucoup en commun », constate Bruno Messina, qui a choisi de célébrer cette année le bicentenaire des cent jours de Napoléon qui débouchèrent sur la défaite de Waterloo et l’exil définitif sur l’Île de Sainte-Hélène, où il mourra le 5 mai 1821. Il est certain également que Berlioz fut témoin, de près ou de loin, du retour des cendres de Napoléon et de leur inhumation le 15 décembre 1840 aux Invalides. Quelques mois plus tôt, le jour anniversaire de la mort de l’Empereur, Berlioz écrivait à Victor Hugo de retour de l’inauguration de la colonne de la place Vendôme : « […] J’ai suivi le peuple au pied de la colonne, ce poème immortel de l’autre empereur… J’ai marché longtemps, comme Ruy Blas, dans mon rêve étoilé, puis j’ai revu le bronze et j’ai relu vos vers… Maintenant, je m’incline en pleurant et j’adore… » Son admiration pour le grand homme est avérée dans un certain nombre de ses écrits. « Il était tentant de rapprocher ces deux gloires françaises grandes figures du romantisme, chacun dans leur domaine, convient Bruno Messina. Comme l’écrivait Jacques Lacan sur l’acte manqué, ’’l’acte ne réussit jamais si bien qu’à rater’’. Or, Berlioz comme Napoléon, ont réalisé de grandes choses qui allaient marquer l’Humanité bien que leur vie s’acheva sur un échec. »

Corps, Vue de la Terrasse de la Gendarmerie. Photo : (c) Bruno Serrou

Bicentenaire des Cent Jours et de la défaite de Waterloo oblige, le Festival Berlioz, qui se déroule à quelques encablures de la « route Napoléon » sous la direction d’un homme épris d’Histoire, ne pouvait que faire le lien entre l’Empereur et le compositeur. C’est à Corps, petite commune du sud des Alpes dans l’Isère, où Napoléon passa la nuit du 6 au 7 mars 1815 dans la gendarmerie et qui continue à commémorer cet événement chaque année à la Pentecôte sous l’intitulé « Aventurier à Corps, Prince à Grenoble », que s’est ouverte l’édition 2015 du Festival Berlioz.

Corps, la gendarmerie où Napoléon Ier bivouaqua dans la nuit du 6 au 7 mars 2015

A Corps, au son du cor, mais sans cri

C’est sur la terrasse de l’ex-gendarmerie devenue « Maison de retraite Albert Marthe Hostachy » à l’aplomb du lac du Sautet et du mont Obiou où était organisé un buffet qu’a été donnée la première aubade de la journée, le clap de début étant donné par Napoléon Ier en personne, brillamment campé par le comédien Christian Abart qui animera chaque étape de la marche forcée dix heures de rang, tandis qu’un ensemble de neuf cors des alpes de l’ensemble Les Briançonneurs répondaient à son appel. Présenté par le soliste chef d’orchestre Olivier Brisville, le programme et l’instrument ont fait sensation sur les « pèlerins » du jour, qui le découvraient. Le répertoire est des plus limités, l’instrument n’ayant inspiré qu’un tout petit nombre de compositeurs, tels Léopold Mozart (une Sinfonia pastorale), Johannes Brahms (la mélodie du cor du finale de la Première Symphonie), Richard Strauss (prélude de Daphné), Ferenc Farkas (Concertino rustico) ou Vinko Globokar (Cri des Alpes). 

Corps, l'ensemble de cors des Alpes, Les Briançonneurs. Photo : (c) Bruno Serrou

Instrument national suisse connu depuis le XIVe siècle, il servait aux bergers à communiquer entre eux et avec les villages environnant leurs pâturages. Fait en épicéa, le même bois que les instruments à cordes, ces instruments pèsent 3,5 kg et mesurent 3,6 mètres de long et sont dans la tonalité de fa dièse/sol bémol. Pour obtenir la tonalité de fa, il convient de l’allonger de vingt centimètres à l’aide d’une rallonge qui s’incruste dans le tube qui précède l’embouchure - pour un accord en ut, il faudrait rajouter neuf mètres de plus. La portée de l’instrument avec l’appui de l’écho peut atteindre 17 kilomètres. Ce qui explique la lenteur des tempi utilisés par le corniste, et l’on a pu mesurer combien il est difficile de varier le répertoire, car même le rythme de ländler est à peine discernable.

Laffrey, Prairie de la Rancontre. Napoléon et Bruno Messina conversant avec un canonnier et une cantinière. Photo : (c) Bruno Serrou

Canonnade et agapes sur la Prairie de la Rencontre

La deuxième étape a conduit Napoléon, sa petite troupe, ses cantinières et ses suiveurs jusqu’au bivouac de la Prairie de la Rencontre sur les bords du Lac de Laffrey, face à la résidence d’Olivier Messiaen. C’est à cet endroit que Napoléon et les siens ont fait face à l’armée royale venue à sa rencontre pour l’arrêter mais, tandis que l’Empereur ouvrait sa redingote en désignant sa poitrine pour cible aux soldats du Roi, ces derniers se rallièrent à lui avant de le suivre jusqu’à Paris entraînant tout un peuple derrière eux. 

Laffrey, Prairie de la Rencontre. Napoléon arrangant l'Ensemble à Vent de l'Isère. Photo : (c) Bruno Serrou

Après le signal du début des agapes donné par une canonnade qui aura ébranlé jusqu’au sommet des montagnes à l’aplomb du lac et une marche de grognards conduite par des grenadiers à pied jouant fifres et tambour, l’Ensemble à Vent de l’Isère, orchestre d’harmonie amateurs dirigé par Eric Villevière, a exécuté en présence de l’Empereur la Victoire de Wellington, une suite Bonaparte du compositeur-trompettiste autrichien Otto M. Schwarz (né en 1967), spécialiste de l’orchestre d’harmonie, avant de terminer sur l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski. Tandis que sur la rive-même du lac se succédaient les steel-drummers du Joséphine Steel Band, venus rappeler sur la plage où s’égayaient des baigneurs, les origines martiniquaises de la première épouse de l’Empereur, Joséphine de Beauharnais.

Grenoble, Terrasse du Musée Dauphinois. Napoléon arrangant la foule. Photo : (c) Bruno Serrou

Les Terrasses de Grenoble

Après un déjeuner champêtre, la troupe, toujours plus nombreuse, s’est dirigée vers Grenoble, pour rallier les Terrasses du Musée Dauphinois qui dominent l’Isère et la capitale du Dauphiné. Planté sur la muraille, Napoléon a brièvement discouru avant de donner le départ de la troisième étape musicale animée par les Briançonneurs et le Joséphine Steel Band, qui ont présenté leurs instruments respectifs à un public médusé et désireux de s’essayer à leur jeu.

La Côte-Saint-André, Place Hector Berlioz. Villageois et soldats impériaux. Photo : (c) Bruno Serrou

Défilé militaire à La Côte-Saint-André

L’ultime étape de cette journée à marche forcée était naturellement fixée à La Côte Saint-André, siège naturel du Festival Berlioz, puisque c’est là qu’Hector Berlioz est né et a vécu jusqu’à l’âge de 18 ans. Bien que sa remontée vers Paris ne passa pas ce village, mais à quelques kilomètres au large, Napoléon et sa petite armée s’est retrouvée sur la Place Hector Berlioz, rejoints par les villageois ayant revêtu des costumes d’époque, les femmes pourvues d’ombrelles, les hommes portant hauts de forme en feutre, tandis que l’Ensemble à Vent de l’Isère reprenait le Bonaparte de Schwarz puis l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski avec tir de canon et tirs de fusils Charleville Modèle 1777, qui ont donné le signal du défilé militaire dans les rues de la Côte-Saint-André bordées de stands d’artisans travaillant à la façon de leurs ancêtres du début du XIXe siècle.

La Côte-Saint-André. La Halle. Le Banquet pour Napoléon. Photo : (c) Bruno Serrou

Banquet pour Napoléon

Comme dans toute aventure, ce long prologue du Festival Berlioz s’est terminée autour d’un riche banquet de plus de cinq cents couverts proposant des plats préférés de Napoléon préparés par Stéphane Brette et l’équipe de Païza, et animé par le Chœur Emelthée, la Clique des Lunaisiens, spécialiste du répertoire historique de la chanson, et l’Ensemble à Vent de l’Isère, le tout dirigé par Arnaud Marzorati. Les œuvres allaient de ce qu’a pu entendre Napoléon et Hector Berlioz, des chansons authentiques à la parodie de Carmen (ce que n’ont pu connaître ni Bonaparte ni Berlioz). La soirée s’est terminée tard dans la nuit.

Bruno Serrou

Le Festival Berlioz est aujourd'hui à La Côte Saint-André, avec un récital de Christina et Michelle Naughton (piano à quatre mains) Eglise Saint-André à 15h, puis à Vienne à parir de 18h et jusqu'à minuit, au Théâtre Antique, pour un Gala Impérial Hector Berlioz offert par trois Orchestres des Jeunes Démos Isère

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