samedi 12 décembre 2015

Norma, le chant de l’âme de Maria Agresta magnifié par Stéphane Braunschweig

Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Mardi 8 décembre 2015

Vincenzo Bellini (1801-1835), Norma. Photo : (c) Vincent Pontet / Théâtre des Champs-Elysées

Théâtre des Champs-Elysées, Stéphane Braunschweig  fait de la prêtresse Norma, magistralement campée par la soprano lyrique italienne Maria Agresta, une femme d’une déchirante humanité.

Vincenzo Bellini (1801-1835), Norma. Sophie Van de Woestyne (Clotilde) , Maria Agresta (Norma). Photo : (c) Vincent Pontet / Théâtre des Champs-Elysées

Opéra parmi les plus populaires du répertoire, Norma de Vincenzo Bellini n’était pas réapparu à Paris depuis plus de cinq ans, avec la production que le Théâtre du Châtelet avait confiée à Peter Mussbach. Ce qu’offre le Théâtre des Champs-Elysées est infiniment plus convaincant que la consternante proposition de janvier 2010.

Vincenzo Bellini (1801-1835), Norma. Photo : (c) Vincent Pontet / Théâtre des Champs-Elysées

Pour sa première incursion dans le belcanto, Stéphane Braunschweig laisse respirer ses chanteurs, leur donnant tout l’espace pour s’exprimer, évitant de leur faire faire des pirouettes tout en en faisant des êtres de chair et de sang. Ainsi, le chant s’exprime-t-il tout à son aise. Si le public du Théâtre des Champs-Elysées a en partie hué le metteur en scène et son équipe à l’issue de la première représentation, ce ne peut qu’être en raison de la scénographie constituée d’un monumental décor en béton façon bunker au mur mobile sur lequel est constamment projetée l’ombre d’un chêne puis les flammes du bûcher final, ainsi que le grand lit Ikea qui symbolise la chambre de Norma où dorment ses deux enfants, et les costumes sombres années soixante de Thibault Vancraenenbrock, car il s’avère que la conception du metteur en scène est particulièrement sensible et réfléchie. La direction d’acteur au cordeau n’empêche pas la pleine expression du chant, le magnifiant au contraire tant elle permet à ce dernier d’incarner l’âme des protagonistes. Jamais scène finale de cet opéra, alors que Norma demande à son père de s’occuper de ses enfants avant d’être immolée, a été aussi déchirante. « Mon idée de Norma est naturellement le chant, ces airs merveilleux interprétés par Callas, reconnaît Braunschweig. Mais j’ai découvert un livret certes pas d’une grande complexité mais qui permet de vraies situations dramatiques. Il s’articule autour d’une double clandestinité, celle des résistants Gaulois face à l’oppresseur romain, et celle de Norma, qui a une double vie, à la fois prêtresse exerçant une forte emprise sur son peuple et femme à la vie privée sur laquelle elle n’a plus aucun pouvoir. »

Vincenzo Bellini (1801-1835), Norma. Sonia Ganassi (Adalgisa), Maria Agresta (Norma). Photo : (c) Vincent Pontet / Théâtre des Champs-Elysées

Maria Agresta, Norma incandescente, qui n’a pas la ductilité vocale ni les sons filés de Montserrat Caballé, a la clarté, le velouté, l’homogénéité, la souplesse vocales, la longueur de souffle, l’endurance qui lui permettent d’atteindre sans flancher le nombreux contre-ut et de faire le grand écart dans le riche nuancier de Bellini. En outre, elle est proprement habitée par son personnage de prêtresse à laquelle elle donne une singulière humanité. Elle a la pulsion meurtrière de Norma, et plus encore la tendresse du personnage, qu’elle trouve à la fois dans l’expression vocale et dans la gestique, la façon par exemple qu’elle a de prendre ses enfants dans les bras, une affection vraie, ce qui est ici très important, parce que si l’on a que la dimension violente, on a Médée, pas Norma.

Vincenzo Bellini (1801-1835), Norma. Marco Berti (Pollione), Sophie Van de Woestyne (Clotilde), Maria Agresta (Norma), Riccardo Zanellato (Orovese). Photo : (c) Vincent Pontet / Théâtre des Champs-Elysées

Face à l’extraordinaire Maria Agresta, l’ardente Adalgise de Sonia Ganassi, voix rayonnante et chaude, apparaît comme le miroir de Norma, autant par la vocalité que par la psychologie de l’innocente rivale de la déesse. Riccardo Zanellato est un Orovèse solide et généreux. Reste le décevant Pollione de Marco Berti, qui affecte plus ou moins la distribution par son timbre criard, le prosaïsme de son intonation, tandis que le Chœur de Radio France n’est pas exempt de décalages. Dans la fosse, Riccardo Frizza instille unité musicale et élan à un Orchestre de Chambre de Paris méritant mais qui semble parfois marcher sur des œufs.

Bruno Serrou

Une large part de ce texte est parue dans le quotidien La Croix daté mardi 15 décembre 2015 

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