jeudi 8 mars 2018

Livre : Lili (Boulanger), le brûlant récit d’Alain Galliari



Au sein des nombreux anniversaires de compositeurs en cette année 2018, celui d’une femme de génie, foudroyée en plein envol : Lili Boulanger

Lili Boulanger vers 1900. Photo : DR

Ce n’est pas un ouvrage musicologique que propose Alain Galliari, auteur par ailleurs d’une exceptionnelle monographie consacrée à Anton Webern, et d’un ouvrage sur les secrets du Concerto « à la mémoire d’un Ange » d’Alban Berg (tous deux chez Fayard) (voir pour le second http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/12/alain-galliari-conte-dans-un-livre.html), mais un récit relatant la courte et fulgurante  vie – moins de vingt-quatre ans – de l’un des plus grands compositeurs français.

Lili Boulanger (1893-1918) en 1915. Photo : DR

Comme dans ses précédents ouvrages de l’auteur, le lecteur est porté par son écriture alerte. Ce petit ouvrage, qui fait défiler la vie intime, douloureuse, pleine de jeunesse et d’espérance, les amours, autant humaines que musicale de cette enfant malingre à la beauté fragile et d’une volonté de fer qui laisse un cursus musical dont pas une partition est inutile, l’inspiration et la forme émanant ici d’un génie pur, se lit d’une traite, chaque page lue poussant à se plonger dans la suivante. Et l’on termine la lecture à regret… Dans ce récit aussi dense que bouleversant, d’une écriture délicate et claire, l’intensité de la passion, l’urgence, le don de soi extraordinaire de cette nature énigmatique pleine de contradictions emplissent chaque phrase de ce livre palpitant.

Nadia et Lili Boulanger. Photo : DR

Sœur cadette de Nadia Boulanger (1887-1979), autre musicienne surdouée (pédagogue éminente qui attira dans ses classes de composition, au Conservatoire de Paris comme au Conservatoire américain de Fontainebleau et aux Etats-Unis, compositrice, pianiste, chef d’orchestre), Lili Boulanger (1893-1918) est toute de douleur, de lumière et de renoncements. Souffrant dès l’enfance d’une maladie des poumons qui se transformera à la fin en tuberculose, Lili participe très tôt à l’effervescence musicale du foyer familial tenu d’une main ferme par sa mère Raïssa Mychetski, cantatrice russe restée seule après la mort à 62 ans de son mari Ernest Boulanger, compositeur et professeur au Conservatoire de Paris. Lili admire sa sœur Nadia, son aînée de six ans qui remporte plusieurs premiers prix au Conservatoire, et la suit en auditeur libre de la classe de Charles-Marie Widor. 

Lili Boulanger. Photo : DR

Alors que Nadia essuie quatre échecs successifs au concours du Prix de Rome, Lili décide de relever le défi, tandis que sa sœur ne l’en croit pas capable. Pourtant, à 19 ans, elle réussit le concours avec sa cantate Faust et Hélène, et devient ainsi la première femme à être couronnée par l’Académie. La déclaration de guerre le 1er août 1914 met un terme à son séjour Villa Médicis. De retour en France, et malgré la maladie qui la ronge, Lili ne cesse de composer, jusque dans son lit de malade. Plusieurs œuvres d’inspiration liturgique, toutes plus belles les uns que les autres, s’enchaîne jusqu’à la fin, une quinzaine au total, tandis qu’elle travaille sur son opéra La Princesse Madeleine d’après Maurice Maeterlinck dont le manuscrit ne sera pas retrouvé.

Lili et Nadia Boulanger. Photo : DR

Un livre sensible consacré à une compositrice de génie trop tôt enlevée par la maladie qui célèbre avec bonheur le centenaire de la disparition de son héroïne, qui aurait pu rester à l’ombre de celui de la disparition de son aîné Claude Debussy, réunis tous deux par l’amour de la poésie et de Maeterlinck.

Bruno Serrou

Alain Galliari, Lili (récit). AGEditeur. 170 pages.  10,00 €. thebookedition.com

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