vendredi 11 mai 2018

Prise de rôle remarquable de Stéphanie d’Oustrac dans Charlotte de Werther de Massenet à Nancy

Nancy. Opéra national de Lorraine. Dimanche 6 mai 2018

Jules Massenet (1858-1912), Werther. Stéphanie d'Oustrac (Charlotte) et Edgaras Montvidas (Werther). Photo : (c) Opéra national de Lorraine

Pour sa prise de rôle, la mezzo-soprano française Stéphanie d’Oustrac s’est imposée d’entrée dimanche à l’Opéra de Nancy comme une hallucinante Charlotte.

Jules Massenet (1858-1912), Werther. Photo : (c) Opéra national de Lorraine

Créé en allemand à Vienne en 1892, présenté pour la première fois en France à l’Opéra de Paris en 1893, Werther est avec Manon l’œuvre emblématique de Jules Massenet. Puisant dans le roman épistolaire de Goethe Les souffrances du jeune Werther, Massenet exalte le pathos romantique tout en évitant la facilité. Il suffisait à la fin de la représentation de dimanche d’écouter les réactions du public pour mesurer combien Werther peut toucher jusqu’aux plus réfractaires à l’art lyrique. 

Jules Massenet (1858-1912), Werther. Photo : (c) Opéra national de Lorraine

Le metteur en scène Bruno Ravella met en avant le sentiment hypertrophié d’un romantisme exacerbé, qui devient l’unique élément guidant le protagoniste central qui a face à lui une femme de devoir. Werther est sous l’emprise de l’émotion et de l’égotisme, entre sublime et nature à laquelle il voue un véritable culte, tandis que Charlotte se doit d’exclure toute expression de son ressenti. 

Jules Massenet (1858-1912), Werther. Photo : (c) Opéra national de Lorraine

Décors et costumes romantiques de Leslie Travers, peu d’espace tant dans la scénographie que dans les pensées. Décors pastel au premier acte, fermé et oppressant. Lorsque Werther comprend que Charlotte lui est devenue inaccessible, le plafond s’abaisse sur les murs et le décor devient une boîte. Dans le deuxième acte la maison du couple Charlotte/Albert, plus enserrée encore avec ses murs couverts d’immenses toiles représentant de profondes forêts sombres façon Oskar David Friedrich. Charlotte accompagné sur un piano le chant de Sophie et lit les lettres de Werther assise devant un vieux bureau, deux accessoires évacués tirés depuis les coulisses, tandis que les murs aux tableaux peints à fresque montent dans les cintres pour laisser place à un espace nu entouré de murs blancs disposés en triangle tandis que la neige tombe et que la lumière laisse brièvement apparaître un ample tilleul. 

Jules Massenet (1858-1912), Werther. Photo : (c) Opéra national de Lorraine

La distribution est de grande qualité, surtout les trois principaux personnages, Werther, Charlotte et Sophie. Pour sa prise de rôle, Nathalie d’Oustrac campe une Charlotte sensuelle à la voix de velours, d’une tenue et d’une texture onctueuse. Face à elle, le Werther torturé plein de charme, d’élan et de vaillance du ténor lituanien Edgaras Montvidas et la Sophie lumineuse de Dima Bawab. L’Albert de Philippe-Nicolas Martin est solide, seul le Bailli vieillissant de Marc Barrard détone. 

Jules Massenet (1858-1912), Werther. Photo : (c) Opéra national de Lorraine

Le jeune chef canadien Jean-Marie Zeitouni prend la partition à bras le corps, démontrant un plaisir évident à la diriger, sollicitant l’orchestre nancéen qui n’hésite pas plaît à prendre des risques, les nombreux solos instrumentaux permettant aux divers pupitres de briller. 

Bruno Serrou

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